Utiliser les isotopes pour percer les mystères des aquifères karstiques
Jusqu’il y a peu, ni la Bosnie-Herzégovine ni le Monténégro ne connaissaient véritablement les caractéristiques hydrologiques de leur aquifère. En 2020, ils ont l’un comme l’autre rejoint 25 autres pays d’Europe et d’Asie centrale pour participer à un projet régional de coopération technique de l’AIEA visant à étudier les incidences des changements climatiques sur les ressources en eaux souterraines. L’objectif de ce projet était de former des spécialistes de l’eau aux techniques les plus récentes d’échantillonnage et d’analyse de l’eau, de calcul des taux de recharge et de mise au point de modèles pour les cycles de l’eau dans la région. Des bourses, des visites scientifiques et une réunion régionale ont permis aux participants d’approfondir leur connaissance des scénarios de changements climatiques et de constituer un réseau régional d’experts possédant les compétences et le matériel nécessaires pour surveiller et évaluer les ressources en eau en faisant appel à l’hydrologie isotopique.
Des hydrologues de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro ont collaboré à l’élaboration du premier modèle conceptuel de l’aquifère karstique d’Oko-Bijela Gora. L’AIEA a fait parvenir le matériel et les fournitures nécessaires pour le travail de terrain et les analyses de laboratoire, et a dispensé des formations à l’analyse isotopique. Les scientifiques ont prélevé des échantillons de précipitations, d’eaux souterraines et d’eaux de surface, et ont mis à profit leurs nouvelles compétences en matière d’analyse isotopique pour étudier les facteurs influant sur la pérennité de l’aquifère, notamment en tant que source d’eau potable et de moyen de production d’énergie hydraulique.
En combinant ces résultats avec des données hydrologiques et météorologiques historiques, les chercheurs ont déterminé les conditions de recharge de l’aquifère. Forts de ces nouvelles connaissances, ils ont élaboré des modèles et des cartes permettant de répertorier les zones de recharge des eaux souterraines et ont étudié l’influence des eaux de surface sur le cycle hydrogéologique de l’aquifère. Ces informations constituent l’ébauche d’une politique de gestion des ressources en eau qui pourrait aider les deux pays à protéger leur aquifère commun.
? La réalisation de ce projet a permis de définir une orientation claire pour de futurs travaux en matière de gestion des ressources en eau et des changements climatiques ?, indique Uro? Juro?evi?, chef du Département des systèmes d’information géographique au Service géologique de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine.
Ce projet est le premier à avoir eu recours à des techniques isotopiques pour étudier la gestion transfrontière des eaux souterraines et des eaux de surface dans la région. Il a montré que l’hydrologie isotopique était un outil très utile pour l’étude des aquifères karstiques.
? La collaboration avec des collègues de la région renforce la compréhension mutuelle et favorise la gestion durable de ce système karstique vulnérable ?, souligne pour sa part Dragan Radojevi?, chef du Département d’hydrogéologie et d’études géotechniques du Service géologique du Monténégro.